6.3 Propriétés géométriques

  6.3.1 Métrique euclidienne tangente en un point
  6.3.2 Propriétés géométriques déduites des métriques euclidiennes tangentes

6.3.1 Métrique euclidienne tangente en un point

Lorsqu’on définit un espace de Riemann $\mathcal {R}_{n}$, on ne connait pas a priori ses propriétés géométriques. On va voir cependant que de nombreuses formules de la géométrie euclidienne vont pouvoir être généralisées aux espaces de Riemann. Le moyen le plus simple de rechercher les propriétés géométriques des espaces de Riemann va consister à l’identifier localement, dans la mesure du possible, à un espace euclidien.

Définition - Dans ce but, on va introduire la notion de métrique tangente en un point à la métrique riemannienne donnée. Pour cela, considérons un espace de Riemann $\mathcal {R}_{n}$ dont la métrique est définie positive par :

\begin{equation} \text{d}s^{2}=g_{ij}\,\text{d}u^{i}\,\text{d}u^{j}  
\tag{6.3.1}  
\label{6.3.1} \end{equation}

et soit $M_{0}$ un point de $\mathcal {R}_{n}$ de coordonnées $(u_{i})_{0}$.

On appelle métrique euclidienne tangente, au point $M_{0}(u^{1}_{0},u^{2}_{0},...,u^{n}_{0})$, à la métrique donnée par (6.3.1), la métrique définie par un élément linéaire euclidien :

\begin{equation} \text{d}\sigma^{2}=\gamma_{ij}\,\text{d}u^{i}\,\text{d}u^{j}  
\tag{6.3.2}  
\label{6.3.2} \end{equation}

construit avec les mêmes variables $u^{i}$ et tel que pour $u^{i}=u^{i}_{0}$, on ait :

\begin{equation} (\gamma_{ij})_{0}=(g_{ij})_{0}  
\tag{6.3.3}  
\label{6.3.3} \end{equation}

La manière la plus simple de trouver une métrique euclidienne répondant à cette définition est de choisir des coefficients de l’élément linéaire (6.3.2) constants, à savoir $\gamma _{ij}=(g_{ij})_{0}$.

Dans le cas où les coefficients d’un élément linéaire sont des constantes, on est certain que la métrique est euclidienne c’est-à-dire que l’élément linéaire peut se ramener à une somme de carrés de la forme $\text {d}\sigma ^{2}=\text {d}y^{i}\,\text {d}y^{i}$. Il est en effet toujours possible, en passant des variables $u^{i}$ à d’autres variables $x^{j}$ au moyen d’une transformation linéaire :

\begin{equation} u^{i}=\alpha^{i}_{k}\,x^{k}  
\tag{6.3.4}  
\label{6.3.4} \end{equation}

où le jacobien de la transformation est différent de zéro, de ramener le tenseur $\gamma _{ij}$ à une forme diagonale $a^{k}_{i}$, ceci en conservant l’invariance de la forme quadratique (6.3.2). Notons $a^{1}_{1},a^{2}_{2},...,a^{n}_{n}$, les éléments de la diagonale principale du tenseur, les autres éléments étant nuls. Au moyen d’un nouveau changement de coordonnées :

\begin{equation} y^{i}=(a^{i}_{i})^{1/2}\,x^{i}  
\tag{6.3.5}  
\label{6.3.5} \end{equation}

(formule dans laquelle il n’y a pas de sommation sur l’indice), on est ramené à une métrique euclidienne où les coefficients de l’élément linéaire sont tous égaux à $\delta _{ij}$.

Changement de coordonnées - Effectuons un changement de système de coordonnées, faisant passer des $u^{i}$ à de nouvelles coordonnées $v^{j}$. Les composantes du tenseur fondamental de l’espace euclidien tangent sont respectivement $\gamma _{ij}=(g_{ij})_{0}$ dans le système $u^{i}$ et $\gamma '_{kl}=(g'_{kl})_{0}$ dans le système $v^{j}$. Pour ce changement de coordonnées, on obtient, en appliquant les formules générales de transformation des composantes covariantes d’un tenseur :

\begin{equation} \gamma_{ij}=(g_{ij})_{0}=(\partial_{i}\,v^{k})_{0}\,(\partial_{j}\,v^{l})_{0}\,(g’_{kl})_{0}  
\tag{6.3.6}  
\label{6.3.6} \end{equation}

Pour que la notion de métrique euclidienne tangente soit indépendante du système de coordonnées utilisées, il faut et il suffit que les relations (6.3.6) soient vérifiées. On est ainsi amener à faire la convention que, dans un changement quelconque de coordonnées, les coefficients $g_{ij}$ de la métrique d’un espace de Riemann se transforment comme les composantes covariantes d’un tenseur, à savoir :

\begin{equation} g_{ij}=\partial_{i}\,v^{k}\,\partial_{j}\,v^{l}\,g’_{kl}  
\tag{6.3.7}  
\label{6.3.7} \end{equation}

Avec cette convention, la notion de métrique tangente euclidienne est bien indépendante du système de coordonnées ; on dit qu’elle présente un caractère intrinsèque.

Espace euclidien tangent en un point - Au lieu de dire qu’on a doué l’espace de Riemann d’une métrique euclidienne au point $M_{0}$, on peut dire qu’on a fait une représentation de l’espace riemannien sur un espace euclidien. Cet espace euclidien sera appelé espace euclidien tangent en $M_{0}$ à l’espace de Riemann donné.

Ce n’est là qu’une convention commode de langage parce qu’elle fait image. Mais il existe une infinité de métriques euclidiennes tangentes en un point donné et par suite une infinité d’espaces euclidiens tangents en $M_{0}$. Cependant comme on ne considérera dans ce qui suit que les propriétés géométriques communes à tous les espaces euclidiens, on peut parler sans inconvénient de l’espace euclidien tangent en un point.

Montrons que l’on peut trouver une infinité de métriques euclidiennes tangentes à un espace de Riemann $\mathcal {R}_{n}$ donné. Appelons $m_{0}$ le point de l’espace euclidien $\varepsilon _{n}$ correspondant à $M_{0}$ et $(m_{0},\beq {e_{i}^{0}})$ le repère naturel euclidien en $m_{0}$ astreint aux conditions :

\begin{equation} \beq{e^{0}_{i}}\,\cdot\,\beq{e^{0}_{j}}=(g_{ij})_{0}  
\tag{6.3.8}  
\label{6.3.8} \end{equation}

À tout point $M$ de $\mathcal {R}_{n}$, situé au voisinage de $M_{0}$, faisons correspondre un point $m$ de $\varepsilon _{n}$, situé au voisinage de $m_{0}$ en cherchant un système particulier de coordonnées qui permettent de repérer ce point $m$. Pour cela, il faut définir les coordonnées $u^{i}$ du point $m$ par des nombres peu différents de $u^{i}_{0}$. Appelons $\varepsilon _{i}$ des fonctions continues arbitraires de $(u^{k}-u^{k}_{0})$ qui deviennent nulles ainsi que leurs dérivées premières pour $u^{k}=u^{k}_{0}$. Le point $m$ est alors défini par :

\begin{equation} \beq{m_{0}\,m}=(u^{i}-u^{i}_{0})\,\beq{e^{0}_{i}}+\varepsilon_{i}\,\beq{e^{0}_{i}}  
\tag{6.3.9}  
\label{6.3.9} \end{equation}

Les coordonnées $u^{i}$ ainsi définies constituent un système de coordonnées curvilignes de l’espace euclidien au voisinage $m_{0}$. La relation (6.3.9) nous donne les vecteurs du repère naturel en $m_{0}$ :

\begin{equation} (\partial_{i}\,\beq{m})_{0}=\beq{e^{0}_{i}}  
\tag{6.3.10}  
\label{6.3.10} \end{equation}

qui sont précisément ceux que l’on avait initialement choisis. Pour $u^{i}=u^{i}_{0}$, on obtient :

\begin{equation} \beq{e^{0}_{i}}\,\cdot\,\beq{e^{0}_{j}}=(\gamma_{ij})_{0}=(g_{ij})_{0}  
\tag{6.3.11}  
\label{6.3.11} \end{equation}

La relation (6.3.3) est ainsi vérifiée et la formule (6.3.9) permet donc de définir des métriques euclidiennes tangentes au point $M_{0}$ ainsi que les espaces euclidiens tangents correspondants.

6.3.2 Propriétés géométriques déduites des métriques euclidiennes tangentes

Certaines propriétés de l’espace euclidien vont pouvoir être transposées dans les espaces de Riemann en considérant leur métrique euclidienne tangente en chaque point ou, pour employer un langage géométrique, leur espace euclidien tangent en ce point.

À chaque point $M$ d’un espace riemannien, on fait correspondre le point $m$ de l’espace euclidien tangent supposé rapporté à son repère naturel $(m,\beq {e_{i}})$. On dira que l’on a défini un vecteur $\mathbf {v}$ au point $M$ de l’espace de Riemann, rapporté aux coordonnées $u^{i}$, si l’on se donne les composantes d’un vecteur au point $m$ par rapport au repère $(m,\beq {e_{i}})$. On peut ainsi définir un champ de vecteurs ou de tenseurs dans un espace de Riemann.

Toutes les propriétés algébriques des vecteurs euclidiens peuvent alors être transposées aux vecteurs d’un espace de Riemann. En particulier, si la métrique de l’espace riemannien est donnée par (6.2.1) et si l’on considère deux vecteurs $\mathbf {v}$ et $\mathbf {w}$ d’un espace de Riemann, de composantes respectives $v^{i}$ et $w^{j}$, leur produit scalaire est donné par :

\begin{equation} \beq{v}\,\cdot\,\beq{w}=g_{ij}\,v^{i}\,w^{j}  
\tag{6.3.12}  
\label{6.3.12} \end{equation}

La distance élémentaire de deux points infiniment voisins est donnée par (6.2.1) et l’on en déduit par intégration la longueur $s$ d’un arc de courbe quelconque :

\begin{equation} s=\mathlarger{\int}\,(g_{ij}\,\text{d}u^{i}\,\text{d}u^{j})^{1/2}  
\tag{6.3.13}  
\label{6.3.13} \end{equation}

Le volume élémentaire de l’espace euclidien tangent est donné par :

\begin{equation} \text{d}V=(g)^{1/2}\,\text{d}u^{1}\,\text{d}u^{2}\,...\,\text{d}u^{n}  
\tag{6.3.14}  
\label{6.3.14} \end{equation}

et ce sera aussi celui de l’espace de Riemann. Un volume fini s’obtiendra par intégration du volume élémentaire.

Malgré le grand nombre de notions d’origine euclidienne que l’on peut généraliser dans un espace de Riemann, il est des notions élémentaires fondamentales qui manquent encore. Ainsi la notion d’espace tangent euclidien ne permet pas de comparer entre eux des vecteurs et des tenseurs attachés à deux points, même infiniment voisins, de l’espace de Riemann. On ne peut donc pas calculer leur dérivée.

Jusqu’ici un espace de Riemann est une collection de petits morceaux d’espace euclidien parce que nous n’avons pas encore relié les uns aux autres les divers morceaux, en définissant leur orientation mutuelle. C’est ce que nous allons faire maintenant en définissant la notion d’espace euclidien osculateur.