Sphère - Considérons une sphère de rayon $R$, de surface $S$, située dans l’espace ordinaire à
trois dimensions. Les coordonnées cartésiennes $x,y,z$ d’un point $M$ de la surface $S$ peuvent
s’exprimer, par exemple, en fonction des coordonnées sphériques, la longitude $\varphi $ et la
colatitude $\theta $. La sphère est entièrement décrite si $0\leqslant \theta < \pi $ et $0\leqslant \varphi < 2\pi $.
Deux tels paramètres, permettant de déterminer un point sur la surface de la sphère,
sont appelés des coordonnées curvilignes sur la surface ou coordonnées de
Gauss. D’autres paramètres quelconques, $u$, $v$, peuvent évidemment être choisis comme
coordonnées curvilignes sur la surface.
L’élément linéaire de la surface $\text {d}s^{2}$, carré de la distance entre deux points infiniment voisins $M$ et $M'$, s’écrit en fonction des coordonnées sphériques, pour $R=$constante :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=R^{2}\,\text{d}\theta^{2}+R^{2}\,sin^{2}\,\theta\,\text{d}\varphi^{2}
\tag{6.1.1}
\label{6.1.1}
\end{equation}
On obtient une expression de l’élément linéaire en fonction des deux seules
coordonnées de Gauss $\theta $ et $\varphi $.
Tenseur fondamental riemannien - Étant décrite à l’aide de deux paramètres, la
surface de la sphère (considérée comme un espace à deux dimensions) constitue un
exemple d’espace de Riemann à deux dimensions.
L’élément linéaire (6.1.1) est de la forme générale (4.3.18), à savoir :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=g_{ij}\,\text{d}u^{i}\,\text{d}u^{j}
\tag{6.1.2}
\label{6.1.2}
\end{equation}
où les $\text {d}u^{i}$ sont les composantes contravariantes du vecteur $\text {d}\beq {M}=\beq {MM'}$ par rapport au repère naturel $(M,\beq {e_{i}})$. Posant $u^{1}=\theta $, $u^{2}=\phi $, on obtient par identification des formules (6.1.1) et (6.1.2) :
\begin{equation}
g_{11}=R^{2}\,\,\,\,,\,\,\,\,g_{12}=g_{21}=0\,\,\,\,,\,\,\,\,g_{22}=R^{2}\,sin^{2}\,\theta
\tag{6.1.3}
\label{6.1.3}
\end{equation}
Les quantités $g_{ij}$ avec $i,j=1,2$, constituent les composantes d’un tenseur qui est le
tenseur fondamental de l’espace riemannien formé par la surface $S$. C’est un
exemple de tenseur fondamental riemannien ou encore métrique riemannienne.
Les propriétés géométriques des figures tracées sur la surface d’une sphère ne sont
plus celles de la géométrie euclidienne. Ainsi, le plus court chemin d’un point $A$ à
un autre point $B$, sur la surface sphérique, est constitué par un arc de grand
cercle passant par les points $A$ et $B$. Les arcs de grand cercle jouent le même rôle
pour la sphère que les droites dans le plan. Ce sont les géodésiques de la
sphère.
Un triangle sphérique est déterminé par trois arcs de grands cercles tracés sur la
sphère. En particulier, la somme des angles que forment les côtés curvilignes des triangles
est différent de $\pi $ radians.
Surface quelconque à deux dimensions - Considérons à présent une surface quelconque de coordonnées de surface $u^{1}$ et $u^{2}$. Les coordonnées cartésiennes $x,y,z$, de l’espace ordinaire où se trouve prolongée cette surface s’écrivent de manière générale :
\begin{equation}
x=x(u^{1},u^{2})\,\,\,\,,\,\,\,\,y=y(u^{1},u^{2})\,\,\,\,,\,\,\,\,z=z(u^{1},u^{2})
\tag{6.1.4}
\label{6.1.4}
\end{equation}
L’élément linéaire $\text {d}s^{2}$ s’écrit alors, en fonction des variables $u^{1}$ et $u^{2}$ :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=E\,\text{d}u^{1}\,\text{d}u^{2}+2\,F\,\text{d}u^{1}\,\text{d}u^{2}+G\,\text{d}u^{1}\,\text{d}u^{2}
\tag{6.1.5}
\label{6.1.5}
\end{equation}
avec :
\begin{equation}
\begin{array}{ccc}
E&=&(\partial_{1}\,x)^{2}+(\partial_{1}\,y)^{2}+(\partial_{1}\,z)^{2} \\
F&=&\partial_{1}\,x\,\partial_{2}\,x+\partial_{1}\,y\,\partial_{2}\,y+\partial_{1}\,z\,\partial_{2}\,z \\
G&=&(\partial_{2}\,x)^{2}+(\partial_{2}\,y)^{2}+(\partial_{2}\,z)^{2}
\end{array}
\tag{6.1.6}
\label{6.1.6}
\end{equation}
L’expression (6.1.5) s’appelle la première forme quadratique fondamentale de la surface considérée. Les coefficients $E,F,G$, sont des fonctions de coordonnées curvilignes. De manière générale, cette surface, considérée comme un espace à deux dimensions, constituera un exemple de d’espace de Riemann, pour des fonctions (6.1.4) arbitraires.
Considérons un autre exemple d’espace riemannien faisant intervenir des propriétés
relativistes. Soient deux disques co-axiaux $S$ et $S_{0}$ que nous supposerons animés l’un par
rapport à l’autre, d’un mouvement de rotation uniforme de vitesse angulaire $\omega $ autour de
leur axe commun. Admettons qu’un observateur, muni d’un étalon de longueur lié à $S_{0}$,
fasse des mesures et que celles-ci montrent que sur $S_{0}$ et sur $S$, la géométrie est
euclidienne.
Étudions maintenant les mesures qui vont être faites par un observateur lié au disque
tournant $S$ et qui va naturellement choisir un étalon de longueur lié à $S$. Si cet étalon de
longueur est placé dans une direction radiale quelconque, sa vitesse de déplacement
longitudinale est nulle pour un observateur de $S_{0}$ et cet étalon aura toujours une longueur
unité.
Par contre, si cet étalon est dirigé selon une perpendiculaire au rayon du disque, en un point situé à la distance $r$ du centre de rotation, cet étalon possède une vitesse longitudinale $v=r\,\omega $. Il subit donc une contraction de Lorentz qui, pour un observateur de $S_{0}$, ramène sa longueur au repos $l_{0}$ à la valeur :
\begin{equation}
l=l_{0}\,(1-\beta^{2})^{1/2}
\tag{6.1.7}
\label{6.1.7}
\end{equation}
avec $\beta =r\,\omega /c$, où $c$ est la vitesse de la lumière.
Choisissons un système de coordonnées polaires $r,\theta $. La distance entre deux points $(r,\theta )$ et $(r+\text {d}r,\theta +\text {d}\theta )$ du système $S$, mesurée à l’aide de l’étalon de longueur du système $S_{0}$, est euclidienne et donnée par :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=\text{d}r^{2}+r^{2}\,\text{d}\theta^{2}
\tag{6.1.8}
\label{6.1.8}
\end{equation}
Par contre, pour un observateur de $S_{0}$, la distance entre ces deux mêmes points, mesurée avec les étalons de longueurs liés au système tournant $S$, devient :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=\text{d}r^{2}+\dfrac{r^{2}\,\text{d}\theta^{2}}{1-\beta^{2}}
\tag{6.1.9}
\label{6.1.9}
\end{equation}
La mesure effectuée à l’aide d’un étalon lié au système tournant $S$ donne pour longueur d’une circonférence :
\begin{equation}
s=\mathlarger{\int}d^,s=\dfrac{2\,\pi\,r}{(1-\beta^{2})^{1/2}}
\tag{6.1.10}
\label{6.1.10}
\end{equation}
Les étalons liés au repère tournant $S$ étant les étalons naturels que chosirait un
observateur lié au disque tournant, il en résulte que la géométrie édifiée à l’aide
des étalons de son propre système n’est pas une géométrie euclidienne. Elle
s’en écarte d’autant plus que la distance $r$ par rapport au centre du disque est
grande.
Les coefficients de l’élément linéaire (6.1.9) sont les composantes du tenseur fondamental de cet espace de Riemann constitué par un disque tournant relativiste. C’est un exemple de métrique riemannienne.
Voyons un autre exemple d’espace riemannien plus abstrait que l’on utilise en mécanique.
Soit un système dynamique à $n$ degrés de liberté et soient $q^{1},q^{2},....,q^{n}$, un ensemble de coordonnées
généralisées, c’est-à-dire un système de $n$ paramètres qui permettent de décrire l’évolution
d’un système. L’ensemble des configurations d’un tel système dynamique constitue un
espace à $n$ dimensions que l’on appelle espace de configuration.
Considérons par exemple un système de particules de masse $m_{i}$ dont les positions sont déterminées par les rayons vecteurs $\mathbf {r^{i}}$ et qui sont liées aux coordonnées $q^{j}$ par les équations de transformation :
\begin{equation}
\beq{r^{i}}=\beq{r^{i}}(q^{1},q^{2},...,q^{n},t)
\tag{6.1.11}
\label{6.1.11}
\end{equation}
Par suite les vitesses $\beq {v^{i}}=\text {d}\beq {r^{i}}/\text {d}t$ s’expriment en fonction des coordonnées $q^{j}$ par :
\begin{equation}
\beq{v^{i}}=\partial_{j}\,\beq{r^{i}}\,q’^{j}+\dfrac{\partial\,\beq{r^{i}}}{\partial\,t}
\tag{6.1.12}
\label{6.1.12}
\end{equation}
avec $q'^{j}=\text {d}q^{i}/\text {d}t$. Si les équations de transformation (6.1.11) ne contiennent pas le temps explicitement, c’est-à-dire si les contraintes sont indépendantes du temps, l’expression de la vitesse ne contient pas de dérivée partielle par rapport au temps. Dans ce cas, l’énergie cinétique $T$ du système est donné par :
\begin{equation}
T=\dfrac{1}{2}\,\sum_{i}\,m_{i}(\beq{v^{i}})^{2}=a_{jk}\,q’^{j}\,q’^{k}
\tag{6.1.13}
\label{6.1.13}
\end{equation}
avec $a_{jk}=(1/2)\,\sum _{i}\,m_{i}\,\partial _{j}\,\beq {r^{i}}\,\partial _{k}\,\beq {r^{i}}$. L’énergie cinétique $T$ est une forme quadratique définie positive où les $a_{jk}$ sont des
fonctions des paramètres $q^{1},q^{2},...,q^{n}$.
Définissons alors l’élément linéaire de l’espace de configuration par la relation suivante :
\begin{equation}
\text{d}s^{2}=a_{jk}\,\text{d}q^{j}\,\text{d}q^{k}
\tag{6.1.14}
\label{6.1.14}
\end{equation}
On obtient un espace à $n$ dimensions muni d’une métrique, définie par l’expression
(6.1.14), qui en général ne sera pas euclidienne.C’est un espace de Riemann dont le
tenseur fondamental a pour composantes $g_{ij}=a_{ij}$.
À toute configuration du système dynamique correspond un point bien défini de l’espace de configuration et par suite, à tout mouvement du système est associé le mouvement d’un point dans l’espace de Riemann. On obtient une image géométrique d’un problème de dynamique, ce qui permet d’utiliser des méthodes tensorielles pour le résoudre.