Nombre de propriétés physiques des cristaux, représentées par des tenseurs, ont des
éléments de symétrie qui doivent inclure ceux de leur structure cristalline. La
connaissance des éléments de symétrie des cristaux permettra donc de déterminer la
forme générale des tenseurs de la physique cristalline. Nous allons donner un aperçu de ce
problème mettant en oeuvre géométrie et théorie des tenseurs.
Tous les cristaux sont isotropes pour quelques-unes de leurs propriétés, la masse
volumique par exemple, mais en général la plupart des propriétés varieront avec la
direction dans laquelle elles sont mesurées et elles seront représentées par des tenseurs.
Un postulat fondamental relie la symétrie d’un cristal à la symétrie de ses propriétés
physiques. Ce postulat est appelé le principe de Neumann et on peut l’énoncer
ainsi :
Les éléments de symétrie de toute propriété physique d’un cristal doivent comporter, au moins, tous les éléments de symétrie du groupe ponctuel de symétrie de ce cristal.
Connaissant les opérations de symétrie du groupe d’un cristal donné, on peut
les utiliser pour déterminer l’expression générale du tenseur qui traduit une
certaine propriété physique. Pour cela, on applique les opérations de symétrie aux
équations qui définissent le tenseur : puisque ces opérations font coïncider le
cristal avec lui-même, elles doivent laisser invariantes ces équations. Voyons un
exemple.
Axe binaire de symétrie - Considérons un cristal qui possède un axe binaire de symétrie, noté $C_{2}$, c’est-à-dire tel qu’une rotation de $\pi $ amène le cristal en coïncidence avec lui-même. Étudions, dans le système de base orthonormée, l’expression d’un tenseur d’ordre deux défini par les équations :
\begin{equation}
D_{i}=\alpha_{ij}\,E_{j}\,\,\,\,;\,\,\,\,i,j=1,2,3
\tag{3.7.1}
\label{3.7.1}
\end{equation}
où $D_{i}$ et $E_{j}$ sont les composantes de deux vecteurs représentant des grandeurs physiques. Faisons coïncider l’axe binaire $C_{2}$ avec la direction des composantes $D_{3}$ et $E_{3}$. Lors d’une rotation $C_{2}$, les composantes $E_{1},E_{2},D_{1}$ et $D_{2}$ changent de signe alors que $E_{3}$ et $D_{3}$ restent invariantes. Les équations (3.7.1) deviennent donc après rotation d’un angle $\pi $ :
\begin{align}
-D_{1} &= -\alpha_{11}\,E_{1}-\alpha_{12}\,E_{2}+\alpha_{13}\,E_{3} \nonumber \\
-D_{2} &= -\alpha_{21}\,E_{1}-\alpha_{22}\,E_{2}+\alpha_{23}\,E_{3} \nonumber \\
D_{3} &= -\alpha_{31}\,E_{1}-\alpha_{32}\,E_{2}+\alpha_{33}\,E_{3}
\tag{3.7.2}
\label{3.7.2}
\end{align}
Supposons que les composantes $E_{i}$ puissent avoir des valeurs arbitraires, ce que l’on peut réaliser si le vecteur $\mathbf {E}$ est une grandeur physique appliquée de l’extérieur au cristal (un gradient de température par exemple). Les équations (3.7.1) devant être invariantes vis-à-vis de la rotation $C_{2}$, leur comparaison avec (3.7.2) montre qu’on doit avoir :
\begin{equation}
\alpha_{13}=\alpha_{23}=\alpha_{31}=\alpha_{32}=0
\tag{3.7.3}
\label{3.7.3}
\end{equation}
Les tenseurs d’ordre deux représentant des propriétés physiques des cristaux sont généralement symétriques ; supposons qu’il en soit ainsi, soit $\alpha _{ij}=\alpha _{ji}$. La matrice du tenseur peut finalement s’écrire sous la forme :
\begin{equation}
[\alpha_{ij}]=\begin{bmatrix}
\alpha_{11}&\alpha_{12}&0 \\
\alpha_{21}&\alpha_{22}&0 \\
0&0&\alpha_{33}
\end{bmatrix}
\tag{3.7.4}
\end{equation}
Le tenseur symétrique, satisfaisant à la propriété de symétrie du cristal, possède cinq composantes non nulles dont quatre sont indépendantes :
\begin{equation}
\alpha_{11},\alpha_{12},\alpha_{22},\alpha_{33}
\tag{3.7.5}
\label{3.7.5}
\end{equation}
Nombre de composantes d’un tenseur - La théorie des groupes permet de calculer aisément le nombre de composantes indépendantes non nulles d’un tenseur associé à une propriété physique d’un cristal. Ce nombre est égal au nombre de fois que la représentation totalement symétrique du groupe de symétrie apparaît dans la représentation tensorielle de ce groupe. On peut ainsi déterminer a priori le nombre de composantes indépendantes non nulles des tenseurs de tous les ordres pour les 32 classes cristallines. Nous renvoyons le lecteur à la théorie des groupes pour l’étude des diverses applications.