Au cours du chapitre précédent, nous avons utilisé des systèmes de $n^{2}$ nombres, créés à
partir d’un espace vectoriel $E_{n}$. Lorsque ces nombres vérifient certaines relations de
changement de base, on a appelé ces grandeurs, par définition, les composantes d’un
tenseur.
Nous avons vu que toute combinaison linéaire de ces composantes constitue les
composantes d’autres tenseurs. On peut donc additionner entre elles les composantes des
tenseurs ainsi que les multiplier par des scalaires, pour obtenir d’autres composantes de
tenseur. Ces propriétés d’addition et de multiplication font que l’on va pouvoir utiliser ces
grandeurs tensorielles comme composantes de vecteurs.
D’un point de vue pratique, on pourrait se contenter de définir les tenseurs à partir des
relations de transformation de leurs composantes lors d’un changement de base. C’est ce
qui est souvent fait en Physique. Cependant, la définition des tenseurs sous forme de
vecteurs conduit à une meilleure compréhension de leurs propriétés et les rattache à la
théorie générale des vecteurs.
Pour préciser comment on définit un tenseur sur une base, étudions le cas d’un produit tensoriel de deux vecteurs constitués par des triplets de nombres. Considérons l’espace vectoriel euclidien $E_{3}$, dont les vecteurs sont des triplets de nombres de la forme : $\beq {x}=(x_{1},x^{2},x^{3})$. La base orthonormée de $E_{3}$ est formée des trois vecteurs :
\begin{equation}
\beq{e_{i}}=(\delta_{1i},\delta_{2i},\delta_{3i})\,\,\,\,;\,\,\,\,i=1,2,3
\tag{3.1.1}
\end{equation}
Des vecteurs de $E_{3}$ : $\beq {x}=x^{i}\,\beq {e_{i}}$ et $\beq {y}=y^{j}\,\beq {e_{j}}$, permettent de former les neuf quantités $x^{i}\,y^{j}$ que l’on a appelées,
au cours du chapitre précédent, les composantes du produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {x}$ et
$\mathbf {y}$.
Si l’on effectue tous les produits tensoriels possibles entre vecteurs de $E_{3}$, on obtient des
suites de neufs nombres qui peuvent servir à définir les vecteurs suivants :
\begin{equation}
\beq{U}=(x^{1}\,y^{1},x^{1}\,y^{2},x^{1}\,y^{3},...,x^{3}\,y^{3})
\tag{3.1.2}
\label{3.1.2}
\end{equation}
éléments d’un espace vectoriel $E_{9}$ à neuf dimensions, ayant pour éléments tous les
multiplets formés de neuf nombres.
Ces vecteurs peuvent être décomposés, par exemple, sur la base orthonormée :
\begin{equation}
\beqF{k}=(\delta_{1k},\delta_{2k},...,\delta_{9k})\,\,\,\,;\,\,\,\,k=1,2,...,9
\tag{3.1.3}
\end{equation}
Pour écrire les vecteurs $\mathbf {U}$ sur cette base, renuméterons les quantités $x^{i}\,y^{j}$ selon la place qu’elles occupent dans l’expression (3.1.2), soit :
\begin{equation}
x^{i}\,y^{j}=u^{ij}=u^{k}\,\,\,\,;\,\,\,\,k=1,2,...,9\,\,\,\,;\,\,\,\,i,j=1,2,3
\tag{3.1.4}
\end{equation}
On peut déduire la valeur de k avec la relation suivante : $k=i+3(j-1)$. Les vecteurs $\mathbf {U}$ s’écrivent alors :
\begin{equation}
\beq{U}=u^{k}\,\beqF{k}
\tag{3.1.5}
\label{3.1.5}
\end{equation}
et constituent un exemple de tenseurs d’ordre deux.
En quoi ces tenseurs $\mathbf {U}$ diffèrent-ils des vecteurs ordinaires ? Ils sont certes identiques à certains vecteurs de $E_{9}$ mais ils ont été formés à partir des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$ de $E_{3}$. Pour rappeler ce fait, on les notes :
\begin{equation}
\beq{U}=\beq{x}\otimes\beq{y}
\tag{3.1.6}
\label{3.1.6}
\end{equation}
et ils sont appelés produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$. Le symbole $\otimes $ est donc défini par
la manière dont on a formé les quantités $u^{ij}=x^{i}\,y^{j}$ et l’ordre dans lequel on les a classés pour
former le vecteur $\mathbf {U}$.
Ainsi qu’on le verra par la suite, tous les vecteurs de $E_{9}$ ne sont pas des produits
tensoriels mais tous les éléments de $E_{9}$ peuvent être mis sous la forme d’une somme de
produits tensoriels. On appellera également tenseur les sommes de produits
tensoriels.
Base associée - Le classement des quantités $x^{i}\,y^{j}$ que l’on a choisi pour définir le vecteur $\beq {x}\otimes \beq {y}$ est
évidemment arbitraire, mais une fois qu’il a été réalisé, ce classement affecte chaque
nombre $x^{i}\,y^{j}$ à un vecteur de base $\mathfrak {e}_{\mathbf {k}}$ déterminé.
Ainsi, $x^{1}\,y^{1}$ constitue la composante du vecteur $\mathbf {U}$ relative au vecteur de base $\beqF {1}=(1,0,...,0)$, $x^{1}\,y{2}$ est celle
relative à $\beqF {2}=(0,1,0,...,0)$, etc. Pour rappeler la dépendance entre une quantité $x^{i}\,y^{j}=u^{k}$ et le vecteur de
base $\mathfrak {e}_{\mathbf {k}}$ auquel il est affecté, renumérotons ces vecteurs en mettant à la place de
l’indice $k$ les deux indices, $i$ et $j$, relatifs aux composantes, soit $\beqF {k}=\beqF {ij}$, avec $k=1$ à 9 ; $i,j=1$ à
3.
Les indices $i$ et $j$ étant ceux des vecteurs de base de $E_{3}$, on peut dire qu’à chaque couple $(\beq {e_{i}},\beq {e_{j}})$ on a
associé un vecteur $\mathfrak {e}_{\mathbf {ij}}$. Ce dernier peut être noté sous la forme :
\begin{equation}
\beqF{ij}=\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}}
\tag{3.1.7}
\label{3.1.7}
\end{equation}
et est appelé le produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {e_{i}}$ et $\mathbf {e_{j}}$ .
Les vecteurs $\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{j}}$ constituent une base de $E_{9}$ qui est appelée la base associée à la base $\mathbf {e_{i}}$. Dans cet exemple, on a donc :
\begin{equation}
\beq{e_{1}}\otimes\beq{e_{1}}=(1,0,0,0,0,0,0,0,0)\,\,\,\,;\,\,\,\,\beq{e_{1}}\otimes\beq{e_{2}}=(0,1,0,0,0,0,0,0,0)
\tag{3.1.8}
\label{3.1.8}
\end{equation}
Les relations (3.1.5) à (3.1.7) nous permettent finalement d’écrire le produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$ sous la forme :
\begin{equation}
\beq{x}\otimes\beq{y}=x^{i}\,y^{j}\beqF{ij}=(x^{i}\,\beq{e_{i}})\otimes(y^{j}\,\beq{e_{j}})=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})
\tag{3.1.9}
\label{3.1.9}
\end{equation}
Produit tensoriel d’espaces vectoriels - L’espace vectoriel $E_{9}$ est doté d’une structure
plus précise que celle de simple espace vectoriel de dimension 9 lorsqu’on définit les
produits tensoriels $\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{j}}$ comme constituant la base de $E_{9}$. On dit que $E_{9}$ est doté d’une structure
de produit tensoriel.
Afin de bien mettre en évidence cette structure, on écrit cet espace, identique à $E_{9}$, sous la
forme $E_{3}\otimes E_{3}$ et il est appelé le produit tensoriel de l’espace $E_{3}$, par l’espace $E_{3}$. Tous les
éléments de $E_{3}\otimes E_{3}$ sont appelés des tenseurs.
Étudions, à partir de l’exemple précédent, les propriétés du produit tensoriel de deux vecteurs résultant de la relation (3.1.9), á savoir :
\begin{equation}
(x^{i}\,\beq{e_{i}})\otimes(y^{j}\,\beq{e_{j}})=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})
\tag{3.1.10}
\label{3.1.10}
\end{equation}
On a les propriétés suivantes :
PT1 - Distributivité, à gauche et à droite, par rapport à l’addition des vecteurs :
\begin{equation}
(\beq{x}+\beq{y})\otimes\beq{z}=\beq{x}\otimes\beq{z}+\beq{y}\otimes\beq{z}
\tag{3.1.11}
\label{3.1.11}
\end{equation}
\begin{equation}
\beq{x}\otimes(\beq{y}+\beq{z})=\beq{x}\otimes\beq{y}+\beq{x}\otimes\beq{z}
\tag{3.1.12}
\label{3.1.12}
\end{equation}
La démonstration de ces propriétés est simple compte tenu de la relation (3.1.10) : on a par exemple :
\[\begin {array}[b]{lcl} (\beq {x}+\beq {y})\otimes \beq {z}&=&(x^{i}\,\beq {e_{i}}+y^{i}\,\beq {e_{i}})\otimes z^{k}\,\beq {e_{k}}=(x^{i}+y^{i})\,\beq {e_{i}}\otimes z^{k}\,\beq {e_{k}}=(x^{i}+y^{i})\,z^{k}\,(\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{k}}) \\ &=&x^{i}\,z^{k}\,(\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{k}})+y^{i}\,z^{k}\,(\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{k}})=\beq {x}\otimes \beq {z}+\beq {y}\otimes \beq {z} \end {array} \]
PT2 - Associativité avec la multiplication par une grandeur scalaire :
\begin{equation}
(\lambda\,\beq{x})\otimes\beq{y}=\beq{x}\otimes\lambda\,\beq{y}=\lambda\,(\beq{x}\otimes\beq{y})
\tag{3.1.13}
\label{3.1.13}
\end{equation}
On a en effet :
\begin{equation}
(\lambda\,\beq{x})\otimes\beq{y}=(\lambda\,x^{i}\,\beq{e_{i}})\otimes
y^{j}\,\beq{e_{j}}=\lambda\,x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})=\lambda\,(\beq{x}\otimes\beq{y})
\tag{3.1.14}
\label{3.1.14}
\end{equation}
De même qu’on a défini les espaces vectoriels, au cours du premier chapitre, uniquement à
partir des propriétés opératoires entre vecteurs, on va définir le produit tensoriel de deux
espaces vectoriels à partir des propriétés précédentes.
Pour cela, donnons-nous deux espaces vectoriels $E_{n}$ et $F_{m}$ de dimensions respectives $n$ et $m$.
Notons $\mathbf {x}$,$\mathbf {x_{1}}$,$\mathbf {x_{2}}$,... les vecteurs de $E_{n}$ et $\mathbf {y}$,$\mathbf {y_{1}}$,$\mathbf {y_{2}}$,... les vecteurs de $F_{m}$ de bases respectives ($\mathbf {e_{i}}$) et
($\mathbf {f_{j}}$).
Choisissons arbitrairement un autre espace vectoriel $E_{nm}$ de dimension $nm$ dont les
vecteurs de base sont $\mathfrak {e}_{\mathbf {k}}$, $k=1,2,...,nm$. À tout couple de vecteurs ($\mathbf {x}$,$\mathbf {y}$) faisons lui correspondre un
élément de $E_{nm}$ noté $\beq {x}\otimes \beq {y}$, tel que cette loi de correspondance vérifie les propriétés
suivantes :
PT1 - Elle est distributive, à gauche et à droite, par rapport à l’addition vectorielle :
\begin{equation}
(\beq{x_{1}}+\beq{x_{2}})\otimes\beq{y}=\beq{x_{1}}\otimes\beq{y}+\beq{x_{2}}\otimes\beq{y}
\tag{3.1.15}
\label{3.1.15}
\end{equation}
\begin{equation}
\beq{x}\otimes(\beq{y_{1}}+\beq{y_{2}})=\beq{x}\otimes\beq{y_{1}}+\beq{x}\otimes\beq{y_{2}}
\tag{3.1.16}
\label{3.1.16}
\end{equation}
PT2 - Elle est associative par rapport à la multiplication par un scalaire :
\begin{equation}
(\lambda\,\beq{x})\otimes\beq{y}=\beq{x}\otimes\lambda\,\beq{y}=\lambda\,(\beq{x}\otimes\beq{y})
\tag{3.1.17}
\label{3.1.17}
\end{equation}
PT3 - Lorsqu’on a choisi une base dans chacun des espaces vectoriels, $(\beq {e_{1}},\beq {e_{2}},...,\beq {e_{n}})$ pour $E_{n}$, $(\beq {f_{1}},\beq {f_{2}},...,\beq {f_{n}})$ pour $F_{m}$, les $nm$
éléments de $E_{nm}$ que l’on note $(\beq {e_{i}}\otimes \beq {f_{j}})$, forment une base de $E_{nm}$.
Lorsqu’il en est ainsi, l’espace vectoriel $E_{nm}$, muni de cette loi de correspondance, est noté $E_{n}\otimes E_{m}$
et appelé produit tensoriel des espaces vectoriels $E_{n}$ et $F_{m}$. L’élément $\beq {x}\otimes \beq {y}$ de $E_{n}\otimes E_{m}$ est appelé le
produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$. La base formée par les vecteurs $\beq {e_{i}}\otimes \beq {f_{j}}$ est la base
associée aux bases ($\mathbf {e_{i}}$) et ($\mathbf {f_{j}}$).
L’exemple du produit tensoriel de triplets de nombres, donné précédemment, montre que
le produit tensoriel que l’on vient de définir existe. En pratique, on n’utilisera plus le
mode de construction détaillé dans cet exemple mais uniquement les propriétés du
produit tensoriel et de ses composantes.
Remarque - De par sa qualité d’espace vectoriel, $E_{n}\otimes F_{m}$ se confond en tant qu’ensemble
d’éléments avec l’espace vectoriel $E_{nm}$, mais il s’en distingue en tant qu’espace doté d’une
structure associative supplémentaire. De ce point de vue, on dit que $E_{nm}$ constitue le support
de $E_{n}\otimes F_{m}$.
On va voir par la suite que tous les éléments de $E_{n}\otimes F_{m}$ ne sont pas des produits tensoriels
mais, dans ce cas, qu’ils sont nécessairement des sommes de produits tensoriels qui
constituent des tenseurs.
La définition du produit tensoriel de deux espaces vectoriels s’applique aussi bien aux
espaces de dimension finie qu’infinie. En particulier, l’un des espaces peut être de
dimension infinie et l’autre finie.
On va montrer que les éléments $\beq {x}\otimes \beq {y}$, définis par les axiomes ci-dessus, s’expriment nécessairement en fonction des composantes respectives des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$, sous la forme (3.1.10), ce qui a priori est évident puisque les propriétés de définition de $\beq {x}\otimes \beq {y}$ sont prćisémment celles de la relation (3.1.10).
Recherchons une expression de $\beq {x}\otimes \beq {y}$ en fonction des composantes de chacun des vecteurs.
Choisissons dans les espaces vectoriels $E_{n}$,$F_{m}$ et $E_{n}\otimes F_{m}$ des bases quelconques $(\beq {e_{i}}),(\beq {f_{i}})$ et $(\beqF {ij})$, où l’indice $i$ prend
les valeurs de 1 à $n$ et l’indice $j$ des valeurs de 1 à $m$. Par suite de la propriété PT3, on peut
poser : $\beqF {ij}=\beq {e_{i}}\otimes \beq {f_{j}}$.
Choisissons d’autre part deux vecteurs quelconques : $\beq {x}=x^{i}\,\beq {e_{i}}$ de $E_{n}$ et $\beq {y}=y^{j}\,\beq {f_{j}}$ de $F_{m}$, et effectuons le produit tensoriel de ces deux vecteurs en tenant compte des axiomes de définition (3.1.15) à (3.1.17), il vient :
\begin{equation}
\beq{x}\otimes\beq{y}=(x^{i}\,\beq{e_{i}})\otimes(y^{j}\,\beq{f_{j}})=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{f_{j}})=x^{i}\,y^{j}\beqF{ij}
\tag{3.1.18}
\label{3.1.18}
\end{equation}
avec $i=1$ à $n$ ; $j=1$ à $m$. Les quantités $x^{i}\,y^{j}$ sont nécessairement les composantes du produit tensoriel $\beq {x}\otimes \beq {y}$
décomposé sur la base formé des vecteurs $\beq {e_{i}}\otimes \beq {f_{j}}$.
Réciproquement, la loi de composition des vecteurs $\mathbf {x}$ et $\mathbf {y}$ donné par (3.1.18) vérifie les
propriétés PT1 et PT2. En est-il de même pour la propriété PT3 ?
Bases associées - Pour vérifier la propriété PT3, il faut démontrer que si l’on a choisi
une base $\beq {e_{i}}\otimes \beq {f_{k}}$ de l’espace produit tensoriel $E_{n}\otimes F_{m}$, où les vecteurs $\mathbf {e_{i}}$ et $\mathbf {f_{j}}$ constitue respectivement des
bases de $E_{n}$ et $F_{m}$, toute autre base quelqconque $(\beq {e'_{i}})$ de $E_{n}$ et $(\beq {f'_{k}})$ de $F_{m}$ permet d’obtenir également une
base de $E_{n}\otimes F_{m}$.
Pour le démontrer, décomposons les vecteurs $\mathbf {e_{i}}$ et $\mathbf {f_{j}}$ sur ces nouvelles bases, soit :
\begin{equation}
\beq{e_{i}}=A’^{k}_{i}\,\beq{e’_{k}}\,\,\,\,;\,\,\,\,\beq{f_{j}}=B’^{l}_{j}\,\beq{f’_{l}}
\tag{3.1.19}
\label{3.1.19}
\end{equation}
avec $i,k=1$ à $n$ et $j,l=1$ à $m$. Les vecteurs $\mathbf {U}$ de l’espace produit tensoriel $E_{n}\otimes F_{m}$ s’écrivent sous la forme :
\begin{equation}
\beq{U}=u^{ij}\,(A’^{k}_{i}\,\beq{e’_{k}})\otimes(B’^{l}_{j}\,\beq{f’_{l}})=u^{ij}\,A’^{k}_{i}\,B’^{l}_{j}\,(\beq{e’_{k}}\otimes\beq{f’_{l}})
\tag{3.1.20}
\label{3.1.20}
\end{equation}
Le vecteur $\mathbf {U}$ s’exprime comme une combinaison linéaire des éléments $(\beq {e'_{k}}\otimes \beq {f'_{l}})$. Si $\beq {U}=\beq {0}$, les composantes $u^{ij}$ sont toutes nulles et la relation (3.1.20) montre que les $nm$ éléments $(\beq {e'_{k}}\otimes \beq {f'_{l}})$ sont linéairement indépendants. Les vecteurs $(\beq {e'_{k}}\otimes \beq {f'_{l}})$ constituent donc une nouvelle base de $E_{n}\otimes F_{m}$ ; ces vecteurs forment la base associée aux bases $(\beq {e'_{i}})$ et $(\beq {f'_{j}})$.
Précisons de nouveau que l’espace $E_{n}\otimes F_{m}$ est formé, par définition, de tous les vecteurs qui
appartiennent à l’espace support $E_{nm}$ qui a été muni d’une structure d”espace tensoriel.
Tous les vecteurs de $E_{n}\otimes F_{m}$ sont-ils des produits tensoriels ? En d’autres termes, étant
donné un vecteur $\beq {U}=u^{k}\,\beqF {k}$ de $E_{n}\otimes F_{m}$, peut-on trouver deux vecteurs $\beq {x}=x^{i}\,\beq {e_{i}}$ de $E_{n}$ et $\beq {y}=y^{j}\,\beq {f_{j}}$ de $F_{m}$ tels que :
$\beq {U}=\beq {x}\otimes \beq {y}$.
Système incompatible : Pour étudier ce problème, numérotons différemment les composantes du vecteur $\mathbf {U}$ en écrivant :
\begin{equation}
\beq{U}=u^{k}\,\beqF{k}=u^{ij}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{f_{j}})
\tag{3.1.21}
\label{3.1.21}
\end{equation}
avec $k=1$ à $nm$ ; $i=1$ à $n$ ; $j=1$ à $m$. Pour vérifier la relation :
\begin{equation}
\beq{U}=\beq{x}\otimes\beq{y}=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{f_{j}})=u^{ij}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{f_{j}})
\tag{3.1.22}
\label{3.1.22}
\end{equation}
il faut déterminer les $(n+m)$ inconnues $x^{i}$ et $y^{j}$ à partir des $nm$ équations :
\begin{equation}
x^{i}\,y^{j}=u^{ij}
\tag{3.1.23}
\label{3.1.23}
\end{equation}
ce qui est en général impossible car on aura plus d’équations que d’inconnues.
Examinons par exemple, le cas $n=m=2$. On a quatre inconnues et quatre équations de la forme (3.1.23) avec $i,j=1,2$. Effectuons le rapport entre deux de ces équations, on obtient par exemple :
\begin{equation}
\dfrac{y^{1}}{y^{2}}=\dfrac{u^{11}}{u^{12}}=\dfrac{u^{21}}{u^{22}}
\tag{3.1.24}
\label{3.1.24}
\end{equation}
Ces relations imposent une condition de compatibilité entre les $u^{ij}$, condition qui ne sera
pas vérifiée en général pour un vecteur quelconque de $E_{n}\otimes F_{m}$.
En conclusion, il existe d’autres vecteurs de $E_{n}\otimes F_{m}$ qui ne sont pas des produits
tensoriels de deux vecteurs et nous allons voir que ce sont des sommes de produits
tensoriels.
Somme de produits tensoriels - Tous les vecteurs $\mathbf {U}$ de l’espace $E_{n}\otimes F_{m}$ peuvent s’écrire sous la forme (3.1.21). Utilisant la définition du produit tensoriel, on a :
\begin{equation}
\beq{U}=u^{ij}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{f_{j}})=(u^{ij}\,\beq{e_{i}})\otimes\beq{f_{j}}
\tag{3.1.25}
\label{3.1.25}
\end{equation}
avec $i=1$ à $n$, $j=1$ à $m$. Les $m$ termes $u^{ij}\,\beq {e_{i}}$ représentent $m$ vecteurs de $E_{n}$ tels que $\beq {x_{j}}=u^{ij}\,\beq {e_{i}}$. Tout vecteur $\mathbf {U}$ de $E_{n}\otimes F_{m}$ peut donc s’écrire sous la forme d’une somme de $m$ termes :
\begin{equation}
\beq{U}=\beq{x_{j}}\otimes\beq{f_{j}}
\tag{3.1.26}
\label{3.1.26}
\end{equation}
Tous les éléments de $E_{n}\otimes F_{m}$ sont donc des sommes d’au plus $m$ produits tensoriels de deux vecteurs de la forme (3.1.26) et ses éléments sont appelés des tenseurs d’ordre deux.
En pratique, on a très souvent à utiliser des tenseurs formés à partir de vecteurs appartenant à des espaces vectoriels $E_{n}$ identiques. Dans ce cas, les produits tensoriels d’ordre deux sont formés à partir des vecteurs $\beq {x}=x^{i}\,\beq {e_{i}}$ et $\beq {y}=y^{j}\,\beq {e_{j}}$ de $E_{n}$ et s’écrivent sous la forme :
\begin{equation}
\beq{U}=\beq{x}\otimes\beq{y}=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})
\tag{3.1.27}
\label{3.1.27}
\end{equation}
où les vecteurs $\mathbf {e_{i}}$ sont les vecteurs de base de $E_{n}$. Le produit tensoriel de $E_{n}$ par lui-même est
noté $E_{n}\otimes E_{n}$ ou encore $E^{(2)}_{n}$.
Non-commutativité du produit tensoriel - Si l’on considère deux espaces
vectoriels $E_{n}$ et $F_{m}$ identiques, les produits tensoriels $(\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{j}})$ sont des vecteurs de base de
l’espace $E_{n}\otimes E_{n}$ et il en est de même pour $(\beq {e_{j}}\otimes \beq {e_{i}})$. Deux vecteurs de base ne pouvant être
identiques, il en résulte que le produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {e_{i}}$ et $\mathbf {e_{j}}$ n’est pas
commutatif.
Il en est de même pour tout produit tensoriel de deux vecteurs quelconques $\beq {x}=x^{i}\,\beq {e_{i}}$ et $\beq {y}=y^{j}\,\beq {e_{j}}$ de $E_{n}$. Les
produits tensoriels suivants :
\begin{equation}
\beq{x}\otimes\beq{y}=x^{i}\,y^{j}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})\,\,\,\,\textrm{et}\,\,\,\,\beq{y}\otimes\beq{x}=y^{j}\,x^{i}\,(\beq{e_{j}}\otimes\beq{e_{i}})
\tag{3.1.28}
\label{3.1.28}
\end{equation}
sont différents puisqu’on a par exemple :
\begin{equation}
x^{1}\,y^{2}\,(\beq{e_{1}}\otimes\beq{e_{2}})\,\,\neq\,\,y^{2}\,x^{1}\,(\beq{e_{2}}\otimes\beq{e_{1}})
\tag{3.1.29}
\label{3.1.29}
\end{equation}
par suite de la non-commutativité du produit tensoriel des vecteurs $\mathbf {e_{1}}$ et $\mathbf {e_{2}}$.
Changement de base - En tant qu’éléments d’un espace $E_{n}\otimes E_{n}$, un tenseur $\mathbf {U}$ est un vecteur de la forme générale :
\begin{equation}
\beq{U}=u^{ij}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})
\tag{3.1.30}
\label{3.1.30}
\end{equation}
Étudions ses proriétés vis-à-vis d’un changement de base de $E_{n}$ tel que :
\begin{equation}
(a)\,\,\, \beq{e_{i}}=A’^{k}_{i}\,\beq{e’_{k}} \,\,\,;\,\,\,(b)\,\,\, \beq{e’_{k}}=A^{i}_{k}\,\beq{e_{i}}
\tag{3.1.31}
\label{3.1.31}
\end{equation}
Lors d’un tel changement, la base $(\beq {e_{i}}\otimes \beq {e_{j}})$ associée à $\mathbf {e_{i}}$ devient une autre base $(\beq {e'_{k}}\otimes \beq {e'_{l}})$ associée à $\mathbf {e'_{k}}$, avoir :
\begin{equation}
\beq{e’_{k}}\otimes\beq{e’_{l}}=(A^{i}_{k}\,\beq{e_{i}})\otimes(A^{j}_{l}\,\beq{e_{j}})=(A^{i}_{k}\,A^{j}_{l})\,\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}}
\tag{3.1.32}
\label{3.1.32}
\end{equation}
Par suite, le produit tensoriel $\mathbf {U}$ donné par (3.1.5) a pour composantes dans la nouvelle base :
\begin{equation}
\beq{U}=u’^{kl}\,(\beq{e’_{k}}\otimes\beq{e’_{l}})=u’^{kl}\,A^{i}_{k}\,A^{j}_{l}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})=u^{ij}\,(\beq{e_{i}}\otimes\beq{e_{j}})
\tag{3.1.33}
\label{3.1.33}
\end{equation}
On obtient donc par identification :
\begin{equation}
u^{ij}=A^{i}_{k}\,A^{j}_{l}\,u’^{kl}
\tag{3.1.34}
\label{3.1.34}
\end{equation}
Les composantes $u^{ij}$ vérifient la relation (2.2.2)(a) de transformation des composantes lors d’un changement de base. On retrouve la même formule de transformation mais en partant des expressions de changement de base des vecteurs de base de l’espace produit tensoriel.