Au terme de notre voyage à travers l'espace et le
temps, nous allons nous interroger sur la place de l'être humain dans
l'Univers. À ce jour, la Terre demeure le seul endroit où nous
sachions qu'il y a de la vie. Mais il n'est pas interdit de spéculer sur la
probabilité de l'existence d'autres formes de vie dans l'Univers, voire de vie
intelligente ou de civilisations avancées. Nous verrons d'ailleurs que la
question divise les scientifiques eux-mêmes: certains sont convaincus que le cosmos abrite
de nombreuses civilisations avancées, tandis que d'autres pensent que la Terre
est le seul endroit dans tout l'Univers observable où la vie existe.
Pour pouvoir spéculer sur la vie extraterrestre,
il est nécessaire de connaître la nature de la vie sur Terre et les
grandes lignes de son évolution. Le phénomène de la vie est fondamentalement lié
à la reproduction. Tous les organismes vivants ont la capacité de se
reproduire à partir des éléments présents dans leur milieu. La première forme de
vie qui est apparue sur Terre était sans doute une molécule
autoreproductrice, c'est-à-dire une molécule capable de produire des
molécules semblables à elle-même. La célèbre molécule torsadée d'ADN
(acide désoxyribonucléique), qui est à la base de toutes les formes de vie sur
Terre, en est l'exemple le mieux connu. Il semble impossible qu'une molécule
aussi complexe que l'ADN se soit spontanément formée au tout début de la vie
terrestre. Toutefois, on peut imaginer des molécules autoreproductrices plus
simples. L'ADN est sans doute une version hautement évoluée de molécule
autoreproductrice. Cette constatation nous amène à aborder un autre aspect
fondamental de la vie: son évolution.
Dans les chapitres précédents, nous avons vu
comment l'évolution cosmique, à partir du Big Bang originel, a abouti à la
formation de systèmes planétaires enrichis d'éléments lourds. La formation d'une
première molécule autoreproductrice dépend de cette évolution cosmique. En
effet, l'hydrogène primordial ne peut former que des liaisons simples, et
l'hélium qui a été créé dans les premiers instants qui ont suivi le Big Bang est
une substance inerte. La formation de molécules autoreproductrices dépend de
l'existence d'éléments lourds capables de créer des liaisons chimiques
complexes. Ainsi, le mécanisme de la vie sur Terre, basé sur l'ADN, dépend de
six éléments chimiques de base: le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène,
le phosphore et le soufre (présentés dans cet ordre, leurs symboles chimiques
forment une onomatopée mnémonique, CHNOPS!).
Une fois que l'on dispose des "blocs construction"
chimiques appropriés, il s'agit d'imaginer un processus qui mènera à
l'apparition de la vie et, ultimement, à celle de l'intelligence. Les grandes
étapes sont illustrées sur la figure ci-dessous.
La première
étape, l'évolution
cosmique, a été amplement étudiée dans les chapitres précédents. Au cours de
l'étape suivante, l'évolution chimique, les atomes de base s'organisent en
molécules complexes qui ne sont pas encore vivantes, mais qui constituent les
unités moléculaires à la base de la vie, du moins sur la Terre : les acides
aminés. Les acides aminés sont des molécules qui contiennent une centaine
d'atomes environ. On en trouve 20 sortes différentes associées aux processus de
la vie sur Terre. On pense qu'ils se forment naturellement au hasard des
collisions entre les atomes de base. Cette étape ne semble pas difficile à
franchir; on pense mêœme avoir découvert des traces d'acides aminés simples dans
les nuages moléculaires de notre Galaxie.
L'étape suivante correspond à la transition
chimique-biologique, c'est-à-dire l'organisation des acides aminés en
molécules autoreproductrices. C'est le véritable passage de la non-vie à la vie;
c'est aussi l'étape qui semble la plus difficile à réaliser. Les molécules
autoreproductrices les plus simples que l'on connaisse sont des milliers de fois
plus complexes que les acides aminés. Les mécanismes de la transition
chimique-biologique sont actuellement un des sujets d'études les plus discutés
de la biologie moléculaire.
Une fois qu'ont été créées les premières molécules
autoreproductrices, le processus bien connu de l'évoltuion biologique se met
en branle. La reproduction répétée d'une molécule produit de temps à autre une
mutation, c'est-à-dire l'apparition d'une molécule légèrement différente
de la molécule mère. Comme la plupart des mutations affaiblissent ou
anéantissent la faculté d'autoreproduction, les molécules mutantes sont vouées à
la disparition. Mais, une fois de temps en temps, par pur hasard, une molécule
mutante se voit dotée d'une faculté d'autoreproduction plus efficace que celle
de la molécule mère. Cette mutation aura donc tendance à subsister
et à se propager. Il s'agit là de version moléculaire du principe de la
sélection naturelle: les mutations se font au hasard, mais seules les
mutations favorables prospèrent. Ainsi, petit à petit, on voit apparaître des
molécules autoreproductrices de plus en plus complexes et de plus en plus
efficaces. Donnez à la sélection naturelle quelques milliards d'années, et elle
pourra créer des organismes dotés d'organes de locomotion, de vision, et
même d'analyse de la perception.
La dernière étape du processus de la vie (celle
qui nous concerne particulièrement en tant qu'êtres humains) correspond à
l'évolution intellectuelle, qui a donné naissance à la civilisation. En fait, on
peut considérer qu'elle fait partie de l'évolution biologique, qu'elle en est le
prolongement le plus récent. Si nous l'avons traité comme une étape distincte,
c'est que, comme nous le verrons plus loin, certains scientifiques doutent que
l'évolution biologique y conduise nécessairement. La probabilité de l'évolution
intellectuelle est biensûr un des facteurs importants permettant d'évaluer
la probabilité de l'existence de civilisations extraterrestres avancées
Nous avons vu que notre planète est âgée de
4,6 Ga (milliards d'années) et que les plus vieilles roches terrestres
remontent à 4 Ga. Or, ces roches, tout anciennes qu'elles soient, contiennent
des traces de vie. Le tableau ci-dessous énumère les évènements majeurs de
l'histoire de la vie sur Terre. Si on considère l'échelle de l'histoire de la
Terre, on s'aperçoit que la vie a très vite démarré. En revanche, elle
est demeurée longtemps dans un état extrêmement primitif, puisqu'il a
fallu près de 3 Ga pour dépasser le stade des simples bactéries. Puis,
subitement, il y a 0.6 Ga (600 millions d'années), il s'est produit une
accélération marquée du rythme de l'évolution de la vie (ce que les biologistes
appellent l'explosion du Cambrien, du nom de l'ère géologique
correspondant à cette époque). Après l'explosion du Cambrien, les principales
formes de vie animales, que l'on connaît aujourd'hui sont apparues
successivement: les poissons, les amphibiens, les reptiles et, enfin, les
mammifères. Les grands singes sont apparus il y a environ 15 millions d'années,
et la lignée menant aux êtres humains s'est séparée de celle des gorilles
et des chimpanzés avec l'australopithèque, il y a 5 millions d'années. Notre
espèce, homo sapiens, n'a fait son apparition qu'il y a 500 000 ans, soit
un dix millième de l'âge de la Terre. L'histoire de la civilisation
n'occupe que le dernier centième de l'histoire de l'homo sapiens, soit un
millionième de l'âge de la Terre !
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