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L'HOLOGRAPHIE EN COULEURS

par

J. Harthong, D. Vukicevic, M. Torzinski.

 


L'holographie est une technique proposée en 1949 par D. Gabor (qui a reçu pour cela le prix Nobel de Physique en 1971). Son usage est devenu courant, surtout depuis l'avènement des lasers, et beaucoup d'expositions ou musées présentent des hologrammes ou images en trois dimensions. Toutefois, si beaucoup de gens ont déjà vu des hologrammes, très peu savent comment cela fonctionne. Les auteurs de science-fiction ont très vite suivi le mouvement en imaginant des situations où le héros croit avoir devant lui une personne en chair et en os, et s'aperçoit, lorsqu'il veut lui serrer la main ou la frapper, qu'elle n'était qu'une image en trois dimensions. Cela suppose cependant une image si parfaite qu'elle peut être prise pour l'objet réel, ce que la technique actuelle est encore fort loin de réussir. Un élément essentiel de cette reproduction parfaite est bien sûr la restitution fidèle des couleurs de l'objet, qui est le sujet de cet article.


La possibilité de reproduire les couleurs naturelles de l'objet en holographie n'est possible que depuis fort peu de temps, et nous verrons pourquoi plus loin. Beaucoup d'hologrammes présentés dans des expositions semblent colorés lorsqu'ils sont éclairés en lumière blanche, mais il ne s'agit que d'une irisation analogue à celle que produit un prisme, et non des couleurs réelles de l'objet représenté. Rappelons qu'entre l'invention de la photographie (Nicéphore Niepce, 1826) et les premières photographies en couleurs à pigments (autochromes de Louis Lumière 1900) se sont écoulés plus de soixante-dix ans!


L'holographie se distingue de la photographie par le fait qu'une photographie enregistre seulement une image géométrique projetée sur un film, ce qui fait perdre l'information sur la profondeur (le relief); or la lumière issue de l'objet transporte aussi l'information sur la profondeur, mais cette dernière est codée dans la partie ondulatoire du rayonnement lumineux, qui n'intervient pas dans la formation d'une image photographique. L'idée de Gabor a été d'utiliser le phénomène des interférences pour enregistrer également la partie ondulatoire de la lumière.


Pour passer de cette idée de principe à la réalisation effective, il faut trouver le moyen de décoder l'information, c'est-à-dire restituer l'image (tridimensionnelle) de l'objet à partir de la figure d'interférences enregistrée. Le mérite de Gabor est d'avoir trouvé ce moyen et non la simple idée ``qu'on pourrait'', en principe, restituer le relief en utilisant l'information ondulatoire. Ce moyen utilise la diffraction de la lumière. Cet article se compose donc de trois parties:

a) dans la première, nous expliquons ce qu'est la diffraction de la lumière;

b) dans la seconde, nous expliquons le principe physique de l'holographie: comment la diffraction est utilisée pour reconstruire l'image d'un objet.

c) enfin, dans la troisième, nous expliquons comment on peut reproduire les couleurs en utilisant une propriété particulière de la diffraction.


1. La diffraction.
La lumière est un phénomène ondulatoire dont la fréquence est environ 1015; il faut donc imaginer des vaguelettes qui montent et descendent 1015 fois par seconde. Lorsque la lumière frappe n'importe quel corps matériel, les noyaux des atomes sont trop lourds pour être affectés par une vibration aussi rapide, mais les électrons de ces atomes, des milliers de fois plus légers, sont - en quelque sorte - secoués par les vaguelettes: on peut provisoirement imaginer des bouchons flottant sur l'eau et secoués par l'arrivée de vagues. Le phénomène exact n'est cependant décrit correctement que par la Mécanique quantique: ces électrons absorbent un photon de la lumière incidente, et se retrouvent alors dans un état excité, qui est instable. Cette instabilité a pour effet que l'électron retombe dans son état antérieur stable, en réémettant un photon. Il s'agit là du phénomène individuel de l'interaction entre la lumière et la matière; mais ce phénomène se produit autant de fois qu'il y a d'électrons: dans un centimètre cube de matière, il y a de l'ordre de 1030 atomes, et le nombre d'électrons susceptibles de réagir est du même ordre.


Tous les électrons ne sont cependant pas susceptibles de réagir: si le photon a une fréquence f (de l'ordre, donc, de 1015), un électron ne réagira que si la différence d'énergie E¢-E entre l'état intitial et l'état excité le plus proche est égale à hf, où h est la constante de Planck: ce fait est la loi fondamentale de la Mécanique quantique. Si la lumière est monochromatique, tous les photons auront la même fréquence f. Les autres électrons, qui ne vérifient pas la condition E¢-E = hf, ne sont pas susceptibles de réagir. On appellera électrons susceptibles (pour une lumière monochromatique donnée) ceux qui vérifient cette condition.


Vu le nombre énorme d'électrons susceptibles que peut contenir un corps matériel de dimensions macroscopiques, seuls comptent les effets statistiques. Ceux-ci sont parfaitement décrits en considérant que la réémission d'un photon par un électron qui retombe de l'état excité à l'état initial correspond à l'émission d'une minuscule onde sphérique d'énergie E¢-E = hf; on peut se le représenter en imaginant que l'électron qui retombe dans son état initial est comme un caillou qui tombe dans l'eau, et provoque ainsi des ronds dans l'eau. Du point de vue de la Physique, les deux phénomènes sont semblables: ils ne diffèrent que par leur ordre de grandeur (l'énergie mise en oeuvre est de l'ordre du Joule pour un caillou de 1 Kg, et de l'ordre de 10-19 Joules pour l'électron), et par le fait que les ronds dans l'eau se propagent sur la surface de l'eau, qui a deux dimensions, tandis que les petites ondes sphériques se propagent dans l'espace, qui en a trois.


Au point de vue le plus fondamental (selon les connaissances actuelles), toute l'interaction entre lumière et matière s'explique selon le schéma que nous venons de décrire. C'est cela qu'on appelle la diffraction de la lumière: la transformation de la lumière incidente en la superposition de milliards de milliards de petites ondes sphériques par les électrons de la matière. La matière reçoit et renvoie toujours la lumière selon ce schéma. Ainsi, si un objet est de couleur rouge, c'est parce que la superposition des milliards de milliards des petites ondes sphériques réémises par les électrons de la matière contient plus de lumière rouge que d'autres fréquences: ce n'est qu'un bilan statistique et le détail est trop complexe pour être donné ici, mais fondamentalement il s'agit bien de cela. Si un corps est opaque, c'est parce que les ondes sphériques se compensent mutuellement (par un effet de moyennisation statistique) pour donner une résultante nulle derrière l'objet. Autre exemple: dans un corps transparent tel qu'une lame de verre, la superposition de toutes les ondes sphériques peut être calculée par intégration, et conduit à la loi de la réfraction (Cours de Physique de Feynman, Mécanique 2, chap. 31).


Le phénomène de diffraction le plus facile à décrire mathématiquement est celui du réseau périodique; dans un réseau, les électrons susceptibes ne sont pas répartis uniformément, mais ont une densité qui varie périodiquement, avec une période assez proche de la longueur d'onde de la lumière, autrement dit de l'ordre du micromètre. Il s'agit d'un milieu transparent, mais contrairement à une lame de verre, ils sont formés de couches de deux sortes, épaisses d'environ un micromètre, et disposées alternativement: dans les unes (appelons-les ``couches de type 1''), la densité d'électrons susceptibles étant légèrement plus grande que dans les autres (``couches de type 2'').


Lorsque la lumière incidente traverse un tel réseau, les petites ondes sphériques issues des couches de type 1 sont plus nombreuses que celles issues des couches de type 2. Le bilan statistique peut donc être effectué comme suit: on considère à part l'excédent, supposé petit, d'électrons susceptibles des couches de type 1 par rapport à ceux des couches de type 2. La superposition complète des ondes sphériques est donc identique à celle d'une simple lame de verre homogène, plus l'excédent, qui ne provient que des couches de type 1; ces dernières, rappelons-le, sont disposées périodiquement.


Le bilan des ondes sphériques excédentaires est alors aisé (voir encadré 1): l'interférence constructive n'aura lieu que dans quelques directions particulières, liées par la relation (dite de Bragg) dsinq = nl, où l est la longueur d'onde de la lumière, d la période du réseau (distance entre les couches) et q l'angle que fait ladite direction avec celle de la lumière incidente. On voit que cette relation de Bragg relie l'angle q avec la longueur d'onde: la direction où se produit une interférence constructive varie donc avec la longueur d'onde, de sorte que seule une lumière monochromatique conduira à des directions fixes. Si la lumière incidente est blanche, il y aura plusieurs directions séparant les différentes longueurs d'onde, et conduisant donc à une irisation semblable à celle d'un prisme.


Un autre phénomène d'interférence constructive, essentiel pour l'holographie, est ce qu'on appelle la résonance de Bragg. Le raisonnement suivi dans l'encadré 1 ne prenait en compte, parmi les ondes sphériques excédentaires, que celles issues d'une même surface d'onde de la lumière incidente. Le bilan complet doit prendre en compte la totalité de ces ondes sphériques. L'encadré 2 montre alors que l'on obtient en outre une interférence constructive entre les surfaces d'ondes si l'onde incidente forme un angle bien précis, appelé angle de Bragg, avec les couches du réseau.


Ainsi, si la lumière arrive sous l'angle de Bragg, elle sera très fortement diffractée dans une direction particulière; si au contraire elle arrive sous un autre angle, elle sera faiblement diffractée (faute d'une interférence suffisamment constructive) dans cette même direction, et la quasi totalité de la lumière traversera le réseau comme s'il s'agissait d'une lame de verre.


Ainsi, la diffraction de la lumière se traduit par un changement de direction d'une partie de la lumière. La partie qui change de direction est importante à l'angle de Bragg, mais diminue fortement lorsqu'on s'écarte de l'angle de Bragg (voir figure 1). En répartissant correctement les électrons susceptibles, on peut détourner jusquà 97% de la lumière.


2. L'holographie.

L'idée de l'holographie est alors de créer dans la lame transparente une structure qui au voisinage de chaque point est identique à un réseau, mais de telle sorte que la direction de diffraction change à volonté selon le point (figure 2). En faisant ainsi varier la direction de diffraction d'un point à l'autre de la lame, on peut reproduire à volonté n'importe quelle onde lumineuse; en particulier on peut reproduire l'onde réfléchie par un objet: l'oeil qui perçoit une telle onde ne peut la distinguer de celle produite par un véritable objet, d'où l'illusion que l'objet est là, dans l'espace.


L'utilisation la plus populaire de l'holographie est l'image en trois dimensions; mais la technologie utilise de plus en plus souvent des hologrammes qui ne produisent aucune image, notamment pour le traitement de l'information: le principe est cependant toujours le même, il s'agit d'obtenir des ondes lumineuses ayant une forme voulue.


Le tout est de créer la structure qui, par diffraction, fournira l'onde voulue. On peut obtenir cela, soit par un procédé numérique, soit par un procédé analogique. Le premier est souvent préféré pour les hologrammes non imageants utilisés pour le traitement de l'information; de tels hologrammes, fabriqués par calcul, sont communément appelés C.G.H. (computer generated hologram). Cependant, pour obtenir des images d'objets réels, l'ordinateur est peu pratique; on obtient alors la structure adéquate en enregistrant sur un film la figure d'interférence (voir encadré 3) de l'onde réfléchie par l'objet et d'une onde de référence. On utilise alors des films et des procédés chimiques de développement qui fixent cette figure sous la forme d'une variation de l'indice de réfraction, c'est-à-dire de la densité des électrons susceptibles. Une telle figure d'interférence, si elle est correctement enregistrée, fournit bien la structure qui, par diffraction, reproduit l'onde de l'objet. Les films utilisés sont très différents de ceux utilisés en photographie, car ils retiennent la structure sous forme d'une modulation d'indice et non par des variations de gris (on peut toutefois utiliser des nuances de gris, mais nous verrons que cela ne peut fonctionner pour réaliser des holograhies en couleurs). En outre, ils doivent être de très haute définition, car les détails de la structure sont, comme pour les réseaux, de l'ordre du micromètre: pour bien les reproduire il faut donc une finesse encore bien inférieure. En général, ils sont peu sensibles et exigent des temps de pose élevés (30 mn). Pour avoir une bonne reproduction holographique en lumière monochromatique, il est donc nécessaire qu'en chaque point du film, la lumière arrive sous l'angle de Bragg; si on s'écarte de cet angle, la partie de l'onde lumineuse qui traverse le film sera faiblement diffractée et ne produira pas une image lumineuse; la plus grande partie de la lumière traversera le film comme s'il était simplement transparent et ne contenait aucune structure diffractante. La condition de Bragg ne peut être satisfaite en tout point que par une lumière monochromatique; c'est pourquoi, si on éclaire l'hologramme en lumière blanche, seule la composante qui satisfait cette condition sera diffractée dans la direction voulue, les autres seront affaiblies et diffractées dans des directions différentes; en outre, cette diffraction séparera les différentes longueurs d'onde et produira une irisation. C'est pourquoi les hologrammes courants sont colorés lorsqu'on les éclaire en lumière blanche. Mais cette coloration n'a aucun rapport avec les couleurs réelles de l'objet. Si on change l'angle de la source, la répartition de ces couleurs change, car le nouvel angle sera l'angle de Bragg d'une autre longueur d'onde (figure 3).


Plus un hologramme est épais, mieux la condition de Bragg doit être respectée: pour un film assez mince, de dix ou vingt micromètres d'épaisseur, on peut s'écarter sensiblement de l'angle de Bragg sans que la luminosité de l'onde diffractée diminue fortement; mais pour un film très épais (un quart de millimètre ou plus), on ne peut s'écarter de l'angle de Bragg que de quelques minutes d'angle (figure 4).


3. Holographie en couleurs.

Le principe de l'holographie en couleurs consiste à exploiter la condition de Bragg de la manière suivante. Supposons qu'un hologramme ait été enregistré de telle sorte qu'une onde incidente monochromatique rouge (disons de longueur d'onde 0.633 mm) rencontre l'hologramme en tout point sous l'angle de Bragg correspondant à cette longueur d'onde et est diffractée selon une onde identique à celle qui est réfléchie par un objet X. Cela signifie que si on déplace la source, l'onde incidente ne rencontrera plus l'hologramme sous l'angle de Bragg et l'onde diffractée s'estompera. Pour un observateur, cela se traduira par un obscurcissement de l'image. De même, si on garde la source au même endroit, mais qu'on la remplace par de la lulière bleue, de longueur d'onde 0.514 mm, la condition de Bragg ne sera plus satisfaite puisque l'angle de Bragg, qui dépend de la longueur d'onde, aura changé aussi. Supposons qu'on enregistre l'hologramme par interférence, comme cela a été expliqué dans la partie 2, en lumière rouge de 0.633 mm. Si l'objet comporte une partie verte, la lumière rouge réfléchie par cette partie sera très faible et se traduira par une région sombre sur l'enregistrement en lumière rouge (rappelons que l'hologramme reproduit l'onde réfléchie par l'objet). Inversement, si l'objet comporte une partie rouge et qu'on l'enregistre en lumière verte de 0.580 mm, elle se traduira par une région sombre. Mais l'angle de Bragg n'est pas le même pour les deux lumières: une fois l'hologramme enregistré et développé, on ne pourra restituer l'image que dans la même longueur d'onde qu'à l'enregistrement, en plaçant la source sous le bon angle, qui n'est pas le même pour le rouge et pour le vert: si on place la source rouge sous l'angle de Bragg du vert, l'image sera sombre car on sera loin de l'angle de Bragg correspondant au rouge; et vice-versa. Si maintenant on place une source de lumière blanche, seule la composante verte sera diffractée sous l'angle de Bragg du vert, et seule la composante rouge sera diffractée sous l'angle de Bragg du rouge; les autres composantes seront plus faiblement diffractées. L'observateur ne verra donc, dans la partie diffractéze de la lumière blanche, que les composantes vertes et rouges, reproduisant la même image du même objet: mais sur la partie verte de l'objet la composante rouge est faible, et inversement. On reproduit ainsi les couleurs naturelles.


Pour reproduire toute la variété des couleurs, on sait qu'il faut au moins trois couleurs fondamentales, et non deux. C'est pourquoi il faut trois enregistrements holographiques du même objet: en lumières verte, bleues, et rouge. Le choix des longueurs d'onde respectives (0.580 mm, 0.514 mm, et 0.633 mm) est lié aux lasers disponibles dans le commerce.


L'holographie en couleurs a donc en commun avec la photographie en couleurs, que l'on superpose trois photographies prises sous trois lumières différentes. Mais en photographie, la séparation des trois lumières s'effectue par la sensibilité sélective des matières photosensibles; en holographie, cette séparation s'effectue en jouant sur la différence entre les angles de Bragg. Dans l'holographie en couleur, il n'y a donc aucun pigment qui intervient, et la couleur est reproduite en maî trisant adéquatement l'irisation de la lumière blanche par une structure en réseau.


Du principe à l'application, un grand nombre de difficultés doivent être vaincues. La simple idée d'utiliser les angles pour la séparation des trois couleurs fondamentales pouvait déjà être formulée dès les débuts de l'holographie. Mais il fallait disposer de lasers de différentes couleurs. Les premiers lasers datent des années cinquante; c'étaient des lasers à rubis synthétique, produisant seulement de la lumière rouge, et ils étaient bien trop peu puissants pour impressionner les films peu sensibles utilisés en holographie. Ce n'est que depuis vingt ans qu'on peut disposer de lasers correspondant aux trois couleurs fondamentales. Une autre difficulté provenait des matériaux photosensibles: on ne sait pas produire des matériaux très sensibles pour obtenir une modulation de l'indice de réfraction (l'holographie au millième de seconde n'est pas pour demain!), et les matériaux étaient toujours optimisés pour une longueur d'onde bien précise: par exemple un film nécessitant 30 mn de pose en lumière bleue de 0.514 mm en exigerait beaucoup plus en lumière rouge, alors qu'il est impossible de conserver l'immobilité extrême des instruments au delà d'une heure pour la pose. Or il faut effectuer trois enregistrements, sous trois couleurs différentes, dans la même émulsion. C'est d'avoir pu transgresser ce dernier obstacle qui nous a permis d'obtenir les hologrammes en couleurs qu'on peut voir photographiés en illustrations de cet article.


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