Sous-sections
Puisque l'espace-temps est non-euclidien, divers choix de structures chronogéométriques non euclidiennes
sont possibles. Le cas non euclidien le plus simple est celui des espaces riemannien. Einstein a supposé
que l'espace-temps est un espace de Riemann. Cette hypothèse s'est révélée particulièrement
fructueuse.
Tout espace riemannien est caractérisé par une certaine courbure. Nous avons vu, par exemple, que
la surface à deux dimensions d'une sphère de rayon est un espace de Riemann. La courbure de cette
surface sphérique est définie comme étant l'inverse du carré du rayon de la sphère, soit
. Dans ce cas, la notion de courbure se rattache à celle d'une surface courbe située dans un
espace extérieur plus vaste.
Cependant, même si une sphère est bien "courbée" au sens que recquiert la théorie d'Einstein, la
notion de courbure, qui existe dans l'espace-temps riemmannien, n'est pas une courbure de ce type. C'est
plutôt une déformation interne de l'espace-temps qui n'a pas besoin de dimensions extérieures
pour exister.
Reprenons l'exemple du disque plan en rotation dont la métrique est donnée par la formule (3.3).
La géométrie naturelle édifiée par un observateur lié au disque à l'aide des étalons de son
propre système n'est pas une géométrie euclidienne. L'espace-temps lié au disque a une certaine
courbure qui dépend du champ d'accélération qui règne à la surface de ce disque. Celui-ci reste
cependant parfaitement plan, la courbure n'étant qu'une certaine caractéristique physique de
l'espace-temps.
La courbure est définie par un tenseur de courbure de l'espace-temps riemannien
appelé tenseur de Riemann-Christoffel. Ce dernier ne dépend que des dérivées des composantes du
tenseur métrique de l'espace-temps riemannien. L'espace-temps plat de la relativité restreinte ne
possède pas de courbure.
Par suite du principe d'équivalence entre champ d'accélération et de gravitation, la courbure de
l'espace-temps résulte également de la présence de matière-énergie. Le statut de la courbure de
l'espace-temps se rapproche d'ailleurs de celui de la matière. Comme cette dernière, la courbure est
localisée, faible en un endroit, plus intense ailleurs. La distinction entre géométrie et
matière-énergie s'ammenuise par suite de l'existence de la courbure qui caractérise les espaces de
Riemann. La gravitation est totalement absorbée dans la chronogéométrie.
Dans la partie 3.3.1, nous avons vu qu'Einstein critique le principe de la cinématique en relativité
restreinte, selon lequel les masses libres effectuent des mouvements rectilignes et uniformes seulement dans
des référentiels qui sont aux-mêmes, les uns par rapport aux autres, en mouvement de translation
uniforme.
Les déplacements rectilignes et uniformes sont des lignes droites qui forment le plus court chemin d'un
point à un autre, ou géodésiques, dans l'espace-temps de la relativité restreinte.
En relativité générale, Einstein va postuler que dans un espace riemannien, les masses et le
rayonnement éléctromagnétique, lorsqu'ils ne sont soumis qu'à la seule gravitation, effectuent des
mouvements en suivant nécessairement les géodésiques de l'espace-temps riemannien. C'est le principe des géodésiques.
Ce dernier postulat s'inspire de celui d'équivalence entre accélération et gravitation. Après avoir
fait remarquer qu'un déplacement rectiligne dans un référentiel d'inertie devient un déplacement
curviligne dans un système de référence accéléré, Einstein fait la remarque suivante :
Mais on obtient un résultat nouveau d'une importance fondamentale quand on applique une
considération analogue à un rayon de lumière. Par rapport au corps de référence galiléen , ce
rayon se propage en ligne droite avec la vitesse . Mais par rapport à la boîte accélérée (corps
de référence ), la trajectoire du même rayon de lumière, comme il est facile de le montrer, n'est
plus une ligne droite. D'où il faut conclure que dans les champs de gravitation les rayons lumineux se
propagent généralement en décrivant des trajectoires curvilignes.
Cette prévision faite par Einstein, déduite du postulat d'équivalence, ne fut vérifiée que quelques
années plus tard. Le calcul que fit Einstein, à partir des équations de la relativité générale,
de la déviation d'un rayon lumineux passant au voisinage du Soleil fut en effet confirmé lors de l'eclipse
du 29 mai 1919.
Ainsi que nous le verrons par la suite, on démontre que les déplacements d'un point mobile dont
l'accélération est nulle suivent effectivement les géodésiques des espaces de Riemann. Un point qui
se déplace suivant une géodésique est donc "libre" bien qu'il soit soumis à la gravitation sans
aucune interaction. Cela montre bien que la gravitation est totalement absorbée par la chronogéométrie.
Tout mouvement inertiel dans l'espace-temps de la relativité générale se ramène à déterminer les
géodésiques correspondant à un système physique donné. Il n'est nul besoin de tenir compte en plus
de la gravitation qui est déjà prise en compte dans la structure chronogéométrique de
l'espace-temps.
Le déplacement de la Terre autour du Soleil, par exemple, est un mouvement inertiel car notre planète
n'est soumise qu'à la seule gravitation. Si l'on calcule la trajectoire de la Terre en utilisant
l'équation des géodésiques de la relativité générale, compte tenu de la présence du Soleil et
d'autres planètes, on obtient une orbite elliptique parcourue selon les lois de Kepler.
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